
Signer un bail commercial est une étape décisive. Pourtant, un détail souvent survolé peut rapidement se transformer en source de conflits et de surcoûts : la gestion du contrat d’électricité. Loin d’être une simple formalité administrative, la répartition des responsabilités énergétiques entre bailleur et locataire est un acte stratégique qui conditionne la sérénité de la relation et la rentabilité de l’activité.
La question n’est pas seulement de savoir « qui paie », mais « qui anticipe quoi ». Oublier une clause, ignorer les délais de mise en service ou mal évaluer ses besoins peut paralyser une entreprise avant même son ouverture. Pour le bailleur comme pour le locataire, comprendre que le contrat d’énergie est un pilier du bail, et non un accessoire, est la première étape pour une collaboration réussie et pour bien choisir un fournisseur d’électricité pro adapté à ses besoins réels.
L’électricité dans votre bail en 4 points clés
- La clause du bail est reine : Tout doit être négocié et écrit noir sur blanc avant la signature pour éviter les litiges.
- Le locataire est responsable : C’est à lui de souscrire un contrat à son nom et de payer ses consommations.
- Le bailleur a un rôle facilitateur : Il doit fournir les informations techniques du compteur pour une mise en service rapide.
- Le choix du contrat est stratégique : Le type de contrat (fixe, indexé) a un impact direct sur la trésorerie de l’entreprise.
Qui doit souscrire le contrat d’électricité dans un local commercial ?
En règle générale, c’est le locataire qui doit souscrire un contrat d’électricité à son nom auprès du fournisseur de son choix. Il est responsable du paiement de l’abonnement et de ses consommations durant toute la durée du bail.
La clause d’électricité dans le bail : un point de négociation crucial avant la signature
Trop souvent, le sujet de l’électricité est relégué au rang de détail technique dans la négociation d’un bail commercial. C’est une erreur fondamentale. Avec une augmentation de 84% du prix de l’électricité pour les professionnels en 2023, chaque aspect de la gestion énergétique devient un enjeu financier majeur. Anticiper les « zones grises » des baux standards est donc une nécessité.
Qui paie l’abonnement pendant une éventuelle période de vacance locative ? Comment garantir que le courant ne sera pas coupé le jour de l’entrée dans les lieux ? Ces questions doivent trouver une réponse claire dans les clauses d’un bail commercial avant toute signature. Le locataire a le droit fondamental de choisir son fournisseur, un principe gravé dans la loi.
Tout client qui achète de l’électricité pour sa propre consommation ou qui achète de l’électricité pour la revendre a le droit de choisir son fournisseur d’électricité.
– Code de l’énergie, Article L331-1 du Code de l’énergie
Pour exercer ce droit, le locataire dépend entièrement des informations que le bailleur s’engage à lui fournir. Sans ces données, toute démarche est bloquée. Il est donc primordial que le bailleur ait l’obligation contractuelle de transmettre ces éléments clés.

Un autre point de friction majeur est la sortie du locataire. Pour se protéger contre d’éventuels impayés laissés par un locataire partant, le bailleur a tout intérêt à insérer une clause de sortie claire. Cette clause peut exiger la présentation d’une attestation de résiliation du contrat d’énergie comme condition à la restitution du dépôt de garantie.
Informations essentielles à transmettre par le bailleur
- Étape 1 : Fournir le numéro de Point de Livraison (PDL) ou Point de Référence Mesure (PRM) à 14 chiffres.
- Étape 2 : Transmettre le nom de l’ancien occupant et ses coordonnées si disponibles.
- Étape 3 : Communiquer la puissance du compteur (en kVA) et le type de contrat précédent.
- Étape 4 : Clarifier dans le bail si une clause de sortie exigeant une attestation de résiliation est requise au départ du locataire.
Du bail signé à la lumière allumée : la répartition concrète des tâches entre bailleur et locataire
Une fois le bail signé, la collaboration entre les deux parties est essentielle pour une mise en service fluide. Le rôle du bailleur ne s’arrête pas à la remise des clés. Un bailleur proactif transmettra immédiatement toutes les informations du compteur (PDL/PRM, puissance) pour que le locataire puisse entamer ses démarches sans délai.
En effet, des retours d’expérience montrent qu’un locataire qui ne dispose pas de ces informations à l’avance risque un délai d’activation de son contrat pouvant aller jusqu’à 30 jours. Le risque de devoir démarrer son activité dans le noir est bien réel. La répartition des responsabilités est donc claire et doit être respectée.
| Responsabilité | Bailleur | Locataire |
|---|---|---|
| Mise aux normes électriques (NF C15-100) | ✓ Obligatoire | — |
| Transmission des informations PDL/PRM et données du compteur | ✓ Avant entrée | — |
| Abonnement électricité individuel | — | ✓ À son nom |
| Choix du fournisseur | — | ✓ Libre choix |
| Paiement de la consommation | — | ✓ Locataire |
| Entretien de l’installation électrique | Grosses réparations ✓ | Entretien courant ✓ |
| Frais de changement de compteur ou puissance | Si exigence structurelle ✓ | Si exigence d’activité ✓ |
Pour le locataire, la procédure se déroule en trois temps : obtenir les informations, comparer les offres professionnelles (qui sont distinctes de celles pour particuliers), et souscrire au moins 15 jours avant l’aménagement. Un cas particulier se pose si l’activité du nouveau locataire exige un changement de puissance du compteur ou le passage du monophasé au triphasé. Si ce besoin est lié à la nature de l’activité (ex: installation d’un four de boulanger), les frais incombent généralement au locataire. Si le changement est dû à la vétusté de l’installation, la charge revient au bailleur.
Le bailleur est obligé d’entretenir le local commercial en état de servir et prévu pour l’usage pour lequel le contrat de bail a été conclu. Il est notamment tenu à une obligation générale de sécurité.
– Jurisprudence commerciale française, Articles 1719 et 1720 du Code civil
Le choix du contrat pro : une décision stratégique qui dépasse le simple paiement de la facture
Le choix du fournisseur et du type de contrat est un acte de gestion à part entière. Pour une entreprise dont la consommation électrique est un poste de coût majeur (boulangerie, entrepôt frigorifique, data center), opter pour un contrat à prix fixe plutôt qu’un contrat indexé sur les prix du marché peut sécuriser la trésorerie et éviter les mauvaises surprises. À l’inverse, une entreprise plus flexible pourra tirer parti des baisses de prix du marché.
| Type de Contrat | Prix du kWh | Risque de Volatilité | Idéal pour |
|---|---|---|---|
| Prix Fixe | Garanti 1-3 ans | Zéro risque | Budgétisation prévisible, petits commerces |
| Prix Indexé (TRV) | Suivi tarif réglementé | Moyen | TPE éligibles, stabilité relative |
| Prix Indexé (ARENH) | 42 €/MWh + marge | Faible | Grands comptes, consommation stable |
| Prix Variable (Marché) | Suivant cours spot | Très élevé | Grands consommateurs sophistiqués |
Avant même de contacter un fournisseur, un audit des besoins énergétiques est indispensable. Quelle puissance est réellement nécessaire ? L’activité justifie-t-elle une option heures pleines/heures creuses ? Ces questions sont fondamentales, sachant que les bâtiments tertiaires représentent un tiers de la consommation énergétique française. Une optimisation, même minime, a un impact significatif.
Enfin, de nombreuses options des contrats professionnels sont ignorées. Choisir une offre d’énergie verte peut devenir un argument marketing pour une clientèle sensible à l’écologie. Les services de suivi de consommation détaillés permettent d’identifier les gaspillages et d’optimiser les coûts en continu, tandis que les services d’assistance dépannage peuvent sauver une journée de travail en cas de panne.
Checklist avant de choisir son contrat pro
- Étape 1 : Analyser la consommation moyenne annuelle (en kWh) sur les 12-24 derniers mois si possible.
- Étape 2 : Définir la puissance souscrite adaptée à l’activité (ne pas surdimensionner pour éviter les frais d’abonnement).
- Étape 3 : Comparer au moins 3 offres de fournisseurs différents en distinguant prix HT/TTC et en option heures pleines/creuses.
- Étape 4 : Vérifier les conditions de résiliation (préavis, frais, durée minimale d’engagement).
- Étape 5 : Considérer l’électricité verte ou les services de suivi de consommation comme critères de différenciation.
À retenir
- La clause électrique d’un bail commercial se négocie et doit couvrir tous les scénarios (vacance, sortie).
- Le bailleur doit impérativement fournir les données du compteur (PDL/PRM) pour permettre la souscription du locataire.
- Le choix d’un contrat pro (prix fixe/indexé) est une décision de gestion qui impacte directement la trésorerie.
- La refacturation de l’électricité est interdite ; chaque locataire doit avoir son propre contrat ou un sous-compteur.
Compteurs partagés, charges communes et sous-location : démêler les situations complexes
La situation se complique dans les immeubles abritant plusieurs bureaux ou ateliers. Il faut distinguer le contrat individuel du locataire pour son local, et la refacturation de l’électricité des parties communes (ascenseur, éclairage des couloirs) via les charges récupérables. Cette dernière est légale, à condition d’être clairement détaillée dans le bail.

Le principal point de friction survient lorsqu’un seul compteur dessert plusieurs locataires. D’ailleurs, la législation est claire : la refacturation directe de l’électricité est en principe interdite, comme le rappelle l’article L331-1 du Code de l’énergie et la jurisprudence constante. Pour se conformer à la loi, la solution est l’installation de sous-compteurs (ou défalcateurs) pour mesurer la consommation réelle de chaque lot.
Étude de Cas : Arrêt de la Cour d’Appel de Nancy (2018) sur le droit au compteur individuel
La Cour d’Appel de Nancy a statué qu’un bailleur est tenu de fournir un compteur électrique individuel à chaque locataire, ou a minima un accès libre à celui-ci. Cette jurisprudence affirme le droit du locataire à disposer de son propre point de livraison, ce qui lui permet de choisir librement son fournisseur, confirmant l’application du Code de l’énergie aux baux commerciaux.
Le cas de la sous-location est également épineux. Le sous-locataire doit-il souscrire son propre contrat ou rembourser le locataire principal ? La seconde option, bien que courante, est risquée car elle s’apparente à une revente d’électricité. La meilleure pratique est de clarifier ce point dans l’acte de sous-location, idéalement en faisant installer un sous-compteur. Gérer ces situations complexes permet de réduire les charges énergétiques pour toutes les parties.
| Situation | Solution Recommandée | Cadre Légal | Risques |
|---|---|---|---|
| Compteurs individuels par locataire | Chaque locataire contrat propre | Libre choix fournisseur (L331-1 CE) | Aucun |
| Compteur unique pour plusieurs locataires | Installation sous-compteur individuel | Loi Pinel 2014 (L145-40-2 CC) | Droit à compteur à charge bailleur |
| Refacturation au forfait (m²) | Charges communes et forfait explicite | Contrat de bail très explicite requis | Remise en cause jurisprudentielle |
| Sous-location d’un bail commercial | Contrat spécifique + clarification PDL | Bail principal + acte de sous-location | Cumul de responsabilités ambiguës |
Questions fréquentes sur l’électricité et le bail commercial
Le bailleur peut-il m’imposer son fournisseur d’électricité ?
Non. En vertu du Code de l’énergie, tout consommateur final a le droit de choisir librement son fournisseur d’électricité. Une clause dans le bail qui vous imposerait un fournisseur serait considérée comme abusive et donc nulle.
Que faire si mon local n’a pas de compteur individuel ?
La loi et la jurisprudence tendent à rendre obligatoire l’installation d’un compteur individuel ou, à défaut, d’un sous-compteur. Vous pouvez exiger du bailleur qu’il procède à cette installation, dont les frais lui incombent généralement, afin de ne payer que votre consommation réelle.
Qui paie pour l’augmentation de la puissance du compteur ?
Cela dépend de la raison du changement. Si l’augmentation est nécessaire pour les besoins spécifiques de votre activité (ex: machines puissantes), les frais sont à votre charge. Si elle est due à la vétusté ou à une non-conformité de l’installation existante, c’est au bailleur de payer.
Dois-je résilier mon contrat d’énergie à la fin du bail ?
Oui, c’est une étape indispensable. Vous devez contacter votre fournisseur pour résilier votre contrat à la date de votre départ. Sans cela, vous restez redevable de l’abonnement et des consommations même après avoir quitté les lieux. Il est conseillé de conserver une attestation de résiliation.